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Julia Luczak-Rougeaux 3

Pour lutter contre le surtourisme, les territoires adoptent le démarketing

@Dim Hou

Alors que la surfréquentation des lieux touristiques est vivement critiquée sur le plan environnemental, plusieurs territoires commencent à modifier la manière de se promouvoir, jusqu’à adopter une stratégie de « démarketing ». De quoi s’agit-il ? Cette stratégie va-t-elle se pérenniser ? Nous avons posé la question à Gérard Lombardi, Responsable marketing et développement et Coordinateur au sein du CNER, la Fédération des agences d’attractivité, de développement et d’innovation.

En quoi consiste une stratégie de démarketing ?

Gérard Lombardi, Responsable marketing et développement et Coordinateur au sein du CNER

C’est une stratégie qui remonte aux années 70, lorsque des publicités contre la cigarette et l’alcool ont commencé à voir le jour. Elle consiste à mettre en place des actions publicitaires pour dissuader le public de consommer un produit. Dans le Tourisme, il consiste à montrer les lieux touristiques tels qu’ils sont vraiment, mais aussi à adopter une stratégie du silence. Pour éviter la surfréquentation, les territoires cessent de promouvoir certains lieux touristiques.

Pourquoi les territoires adoptent-ils cette stratégie ?

Depuis plusieurs décennies, la hausse du pouvoir d’achat et la baisse des prix des billets d’avion ont permis à de nombreuses personnes de voyager. Entre autres, les Russes et les Chinois ont commencé à vouloir parcourir le monde et à visiter les lieux les plus connus. De ces phénomènes est née la surconsommation touristique, maintenant exacerbée par les réseaux sociaux. Rendre payant l’accès à certains lieux pour dissuader les touristes seraient totalement discriminatoires. Ainsi, les territoires utilisent cette méthode pour lutter contre la surfréquentation.


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La crise sanitaire a-t-elle poussé les territoires à adopter le démarketing ?

De nouveaux comportements sont apparus avec la crise sanitaire. Les Français, ne pouvant se déplacer que dans l’Hexagone, se sont rendus dans des espaces qu’ils pensaient peu fréquentés. Sauf que tout le monde a eu la même idée en même temps. Je l’ai vu moi-même en Auvergne, où les collectivités se sont vite retrouvées dépassées par l’affluence. Certains territoires ne sont pas prêts pour accueillir autant de gens à la fois. Et lorsqu’il n’existe pas de dispositif pour encadrer ce flux, il y a des répercussion sur l’environnement et les habitants.

Depuis peu, les citoyens et les protecteurs de la nature font pression auprès des acteurs économiques du Tourisme, à l’origine des campagnes marketing, pour réduire la fréquentation et engager des campagnes de démarketing. Les habitants de Venise ou de Barcelone se sont vivement impliqués par exemple, ce qui a permis de mettre en place des mesures. Lorsque la population locale devient hostile envers les touristes, cela crée des conflits importants. La ville d’Amsterdam l’a compris et a décidé d’intégrer les habitants dans sa réflexion touristique. C’est pourquoi les coffee shops et le quartier rouge pourraient bientôt être interdits aux étrangers.


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Le démarketing est-il le seul remède au tourisme de masse ?

Je pense que le démarketing touristique ne sera pas durable, car les acteurs du secteur ont besoin des touristes pour vivre. Pour moi, il faut davantage se tourner vers du slow marketing et inciter les touristes à prendre leur temps. Cela demande de repenser la manière dont l’on voyage. Si je pars 10 jours en vacances, faut-il que je visite 10 lieux différents ? Il faut mettre fin à la surconsommation touristique, mais pour cela il faut éduquer les touristes pour qu’ils adoptent un comportement plus responsable. Dans le Wyoming aux Etats-Unis, un parc naturel incite les visiteurs à ne pas mentionner le lieu où il se trouvent sur les réseaux sociaux par exemple. Je pense que tous les acteurs, institutionnels comme privés, doivent participer à cette réflexion.

Julia Luczak-Rougeaux

Passionnée de nouvelles technologies et de science-fiction, Julia est une geek autodidacte 🤓🤖. Elle est rédactrice en chef de TOM.travel.

3 commentaires

  1. David on 29 juillet 2021

    Le démarketing, à l’heure où le marketing d’une destination n’a jamais été aussi fait en mode « bouche-à-oreille » avec l’avènement des réseaux sociaux… La bonne blague. La quasi totalité des OT ont déjà perdu le contrôle de leur promotion touristique…

    Pour moi, le challenge d’une destination est justement de reprendre le contrôle de ses contenus digitaux, en s’assurant, par exemple, que chacun de leur attrait ait une visibilité sur GoogleMaps, avec un verbatim approprié dans la langue locale et en anglais. SI tout les attraits sont bien visibles, cela permettra à certains visiteurs de se rediriger vers un autre attrait en cas d’affluence sur un site.

    Et la liste des actions possibles est longue et ne se limite plus qu’à l’existence d’un bureau d’information touristique en centre-ville…

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  2. Mommalier on 7 août 2021

    Le problème repose en fait sur l’appropriation ou non du concept tourisme par le territoire. Le reste n’est que du verbiage. Le tourisme de masse est la pire des choses pour un territoire fragile, et aujourd’hui effectivement la promotion échappe un peu (beaucoup) au campagnes marketing obsolètes comme aux operateurs locaux, vive le numérique. Cependant rien ne laisse présager une meilleure concertation, une mise en relief au plan local des ressources et contraintes du tourisme. Les professionnels ne sont que très rarement et surtout réellement associés aux politiques globales de développement touristique. La sectorisation, voire la main mise sur le développement par, bien souvent, des quidams du tourisme continu à faire des ravages et à contribuer à tout sauf à une réelle culture touristique partagée par le plus grand nombre et contribuant à l’Enrichissement de tous et pas l’inverse

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  3. NGUYEN VAN THAI on 24 août 2021

    le démarketing ne fait qu’une partie du job, en déplacant le flux d’un endroit à l’autre. Après, il faut ajouter d’autres moyens pour éduquer la masse de touristes habitués à la consommation à outrance

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